Ces dernières années, la plupart des exploitations qui rejoignent le réseau sont d’ores et déjà orientées sur des systèmes innovants, sans intrants chimiques ou avec la ferme volonté de trouver des solutions techniques leur permettant de s’en passer.
Quelle est la vision du développement agricole durable de ces agriculteurs ? Pourquoi ont-ils rejoint REPAIR ? Quelle certification environnementale ont-ils choisi et pourquoi ? Rencontre avec trois jeunes entrepreneurs, parmi les moteurs de la transition agroécologique.
Emmanuelle KHAC – SCA WHAT’S TOM
- Votre exploitation s’inscrit dans une démarche de développement durable : pouvez-vous nous la décrire brièvement ?
Nous nous sommes établis sur 4 hectares à la Ouatom sur la commune de La Foa. Actuellement nous avons environ 200 assiettes de vanille, soit 400 plants. A terme nous souhaitons atteindre 300 assiettes, soit 600 plants.
Nous avons deux buts principaux :
– Être le plus autonome possible :
Pour cela nous avons investi dans un broyeur afin de fabriquer notre propre compost pour la vanille. Nous avons également acheté des panneaux solaires qui seront installés prochainement, cela nous permettra d’exploiter notre forage et de s’affranchir du réseau de la commune. Cette année nous allons également développer une activité de maraîchage. Une partie de la production sera destinée à l’auto-alimentation et le reste sera vendu sur Nouméa.
– Préserver notre santé et celle de notre environnement :
Pour cela nous voulons limiter au maximum l’utilisation de produits chimiques.
- Pourquoi avoir rejoint REPAIR ?
Etant sur le terrain tous les jours, il est souvent difficile de prendre du recul et de se renseigner sur les nouvelles techniques à disposition des agriculteurs. Pour cela le réseau REPAIR est un formidable outil d’accompagnement qui nous permet d’être au courant des nouveautés dans le secteur. Les techniciens sont des gens de terrain, compétents qui prennent le temps de passer nous voir et de travailler sur nos problématiques.
Cela nous permet également de rencontrer d’autres exploitants et d’échanger avec eux sur des problématiques communes. C’est extrêmement enrichissant ! Par ailleurs, le fait de se rassembler nous permet d’avoir plus de poids auprès des institutions lors de nos requêtes.
- Pourquoi avoir choisi la certification AR ?
Malgré notre volonté de ne pas utiliser de produits chimiques, nous sommes confrontés à certains problèmes pour lesquels nous n’avons pas encore trouvé de solutions « biologiques ». C’est notamment le cas pour une liane présente sur le terrain, extrêmement difficile à éradiquer. Nous n’avons pas les moyens humains pour lutter de manière mécanique car la repousse est plus rapide que le désherbage. Nous avons dû faire un choix entre nos convictions environnementales et nos besoins économiques, cela nous a conduit à avoir recours aux désherbants. Toutefois, suite au traitement chimique, nous replantons du gazon pour qu’il occupe l’espace et qu’il prenne le dessus sur la liane. A terme nous ne devrions plus avoir recours aux désherbants.
L’AR nous laisse cette souplesse tout en nous imposant un cadre technique et des contrôles rigoureux qui nous permettent de certifier à nos clients la qualité de nos produits.
C’est un exemple qui nous a poussé à choisir la certification AR plutôt que la certification Bio, trop exigeante dans notre cas.
Mickael SANSONI – SCA CALGAE, Dumbéa
- Votre exploitation s’inscrit dans une démarche de développement durable : pouvez-vous nous la décrire brièvement ?
Nous pratiquons « L’agroforesterie syntropic ». Cela consiste à créer des agrosystèmes basés sur la succession végétative pour arriver à un système stable qui produit son propre fertilisant. En d’autres termes, nous recherchons la symbiose entre diverses espèces d’arbres et la vie du sol, pour produire de la nourriture biologique. Ainsi l’utilisation de certaines plantes habituellement considérées comme adventices permet de transférer des nutriments aux plantations commerciales. Nous utilisons des intrants locaux qu’il s’agisse de déchets verts ou minéraux, et aucun produit de traitements.
- Quel est pour vous le principal intérêt à faire partie de REPAIR ?
REPAIR nous aide à structurer nos exploitations et permet l’échange d’expériences entre agriculteurs. D’autre part je ne pense pas que les agriculteurs biologiques doivent rester dans des structures fermées sur l’agriculture biologique. La transition vers des pratiques agroécologiques est inéluctable pour la survie de notre agriculture qui doit régénérer les sols. Le dialogue avec les agriculteurs utilisateurs de solutions chimiques est indispensable pour accélérer ce mouvement.
- Quelle certification environnementale vous intéresse et pourquoi ?
La certification bio m’intéresse pour garantir au consommateur une agriculture sans produit chimique. Cependant, elle a ses limites car certaines méthodes autorisées en bio ont un bilan carbone négatif.
L’agriculture responsable m’intéresse également pour le cadre qu’elle apporte, la méthode de travail et le suivi qui permettent d’améliorer la gestion et le management environnemental de l’exploitation. A mon sens, les deux certifications sont complémentaires.
Pour moi une certification environnementale idéale devrait intégrer : l’interdiction de tout pesticide, l’usage d’intrants locaux, la limitation de l’irrigation, le recyclage des déchets locaux et le stockage du CO2 dans nos champs. C’est ce que je pratique sur mon exploitation.
Frédéric CHATELAIN – La Ferme de Mou, Païta
- Votre exploitation s’inscrit dans une démarche de développement durable : pouvez-vous nous la décrire brièvement ?
Dès les premières heures de la ferme, je construisais chaque étape dans l’unique sens de développement durable. Principalement une combinaison d’activités qui était intégralement en symbiose. J’ai commencé par l’apiculture, un atelier de savon de cire d’abeille artisanal avec mon collègue Jordan Lilloux, puis l’aquaponie, le maraîchage en agroforesterie et bien sûr, l’élément clé de tout le projet : la pédagogie avec l’accueil des élèves et des familles.
Il était totalement inconcevable que je puisse utiliser des produits de traitement (de synthèse ou bio), car il se retrouverait soit dans le miel de mes abeilles, soit dans l’eau de mes poissons. Il en était simplement hors de question, c’est mon engagement pour préserver les gardiennes des forêts.
- Quel est pour vous le principal intérêt à faire partie de REPAIR ?
L’intérêt d’avoir rejoint REPAIR est surtout de pouvoir bénéficier d’une grande aide technique. Malgré la quantité d’information disponible et l’internet, il y a beaucoup de mauvaises informations qui circulent. Faire partie de REPAIR m’a apporté ce soutien et la possibilité d’échanger avec des professionnels déjà engagés dans une démarche durable.
- Quelle certification environnementale vous intéresse et pourquoi ?
La production apicole et les cultures de plein champ seront certifiées bio.
Pour notre production de vanille, qui utilise des poteaux en plastique recyclés et pour le maraîchage aquaponique, qui est une production hors-sol, la certification bio ne sera pas accessible. Nous viserons donc l’agriculture intégrée.
On aura un rendement moins important qu’en utilisant des solutions chimiques, mais en une génération nous avons déjà démontré que le durable est rentable, créateur d’emploi, incubateur d’innovation et que malgré la crise économique, notre activité est en progression constante en local et à l’export.
Beaucoup pensaient que le Durable n’était qu’un « phénomène de mode », mais grâce aux échanges d’informations, à l’éducation et une génération montante qui veut réellement se battre pour protéger notre terre, nous pouvons complètement construire un modèle de société sans recours aux produits de synthèses pour la production agricole.